mercredi 19 janvier 2011

Ce que j'aurais voulu leur écrire...

Mesdames, Messieurs les juge, avocats, greffiers et secrétaires,

Je souhaite vous remercier pour votre implication dans le suivi de mon dossier au cours de ces dernières années, avec une mention spéciale pour celui qui aura cherché la petite bête et réussi à en trouver là où il n’y en avait pas.

La date du 7 février 2010 sonne pour moi comme la fin programmée d’une aventure harassante commencée il y a 6 ans et  5 jours, à la sortie d’un cours d’Anglais avec, sous le bras, mon "passeport" pour une rêve Néo-Zélandais. Sans parler de souffrance physique, cette aventure m’aura valu des nuits d’angoisse et de déprime, rien qu’à la vue des rapports d’audience et des factures.

J’ai maintenant 24 ans, et une vie qui se construit peu à peu. Avec le temps, on s’habitue, on raconte l’histoire de ses cicatrices comme une énorme blague et on invoque les dangers d’hypothermie pour éviter d’attirer la pitié du groupe d’amis qui part faire un week-end de canyonning sans vous. Je traînerai toute ma vie ce boulet attaché à ma jambe droite, et j’apprends à faire avec. Otez-moi maintenant la charge qui me pèse depuis le jour où j’ai reçu la première lettre à l’en-tête des compagnies d’assurance impliquées.

Il y a 2 ans, j’ai failli me décourager, laisser tomber et accepter la somme dérisoire qui couvrait juste les frais médicaux et peut-être de quoi passer mon permis de conduire, le jour où je ne ferai plus de crise d’angoisse au volant ; je suppose que c’est le cas de beaucoup de victimes. Mais ce sont ces mots qui font si mal, qui vous culpabilisent d’avoir un seul instant pensé à traverser dans les clous en regardant bien que les voitures s’arrêtaient, qui m’ont donné la force de continuer encore.

Mesdames, Messieurs, je suis une personne raisonnable et droite. Je ne suis pas du barreau, mais je ne pense pas être une idiote non plus. Si la jurisprudence a accordé des mille et des cents à des personnes dans un état moins grave que le miens pour des raisons injustifiées, soit. Je vous demande seulement de quoi réaliser ce rêve commencé alors que je n’étais qu’une étudiante un peu naïve, et de quoi pouvoir me réveiller de ce cauchemar qui n’a que trop duré.

Dans l’attente de recevoir les conclusions des parties et la décision du juge, veuillez agréer mes salutations les plus sincères.


J’ai écrit cette lettre en janvier. L’affaire a été depuis reportée plusieurs fois, pour finalement se solder le 6 décembre 2010. Ma jambe, ma souffrance, mes rêves et mon futur médical ont été chiffrés à 15 000€. C’est beaucoup ? C’est peu ? Je n’en sais rien... Tout ce que je souhaite c’est que ça se termine enfin, même si la douleur ne partira jamais, et que je vais prendre un abonnement à vie chez mon ostéopathe.

Au lycée, quand certains se moquaient de moi, je disais : "Miss France 2005, on se verra à la télé...". Je n’ai jamais eu l’opportunité de me lancer, et suis officiellement trop vieille pour ça. Comme quoi...

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